Avant: L’idée
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La planification du transport de matériaux s’est avérée indispensable pour que la pierre appropriée soit posée à l’endroit congruent et au bon moment, afin que cette pièce soit à la distance conforme aux prochains morceaux géants amenés sur place. L’étape suivante consistait à élever cette masse de pierre pour qu’elle se trouve finalement en harmonie avec les autres menhirs et qu’elle forme avec eux l’entité que nous connaissons encore aujourd’hui – une union différente de celle que le cercle suggère.

L’unité des Alignements de Carnac est caractérisée par l’immensité, l’ampleur de l’esprit.

Le mastodonte dit „Dolmen“, cet amas de pierres, lieu funéraire arrondi, encerclé, suggère protection et sécurité. L’élancement des Alignements, quant à lui, forme un chemin de pierre dégagé, de grande portée, élégamment dessiné et d’un énoncé sublime. Les deux structures se trouvent en contradiction fondamentale, car elles vont à contre-courant.
Les gens d’autrefois se sont probablement rendu compte de la délicatesse de cette étendue croissante, qui se libérait du cercle, au fur et à mesure qu’ils ajoutaient une pierre à l’autre, afin qu’elles forment de plus en plus d’interminables rangées de rocs géants ; y compris lorsqu’ils quittaient le cercle des Cromlechs pour s’élancer dans ces énormes sentiers de granit en pose verticale.
Ce rien du tout s’écoule tout simplement comme une poussière volatile entre pouce et indexe.
Les habitants du Golfe du Morbihan ont compris à quel point les distances peuvent être incommensurables lorsqu’ils regardaient par-dessus la mer. Ce royaume gigantesque déterminé par l’eau ne pouvait pas être saisi. Ce rien du tout, que forme l’eau, lorsqu’on essaye de l’attraper avec sa main et de l’accrocher à ses doigts, s’écoule tout simplement comme une poussière volatile entre pouce et indexe.

Une nouvelle forme d’organisation était nécessaire et, en la matière, Carnac a ouvert la voie à une nouvelle dimension : celle de la pensée autodéterminée, qui est abstraite et ne naît pas de l’instinct, ni d’une affaire de cœur comme la protection des morts contre les animaux sauvages par des formations de pierre massives.
Les Alignements de Carnac représentent l’effort de créatures pensantes, reflètent leur désir de créer un ordre par une construction clairement structurée ; qui ne peut être trouvée dans la nature de cette façon et se distingue donc clairement des peintures rupestres qui, clairement identifiable, représentaient des animaux, des personnes, des scènes de chasse, des scènes de la vie quotidienne sur les tableaux rocheux.
La tribu de cette époque a entamé une opération sans aucun bénéfice pour l’horticulture ou l’élevage de bétail.
À Carnac, l’homme a fait un grand pas intellectuel en avant en plaçant une pierre devant une autre et ceci sans aucun argument valable et utile à la vie pratique quotidienne. La tribu de cette époque a entamé une opération qui s’est élancée dans la pleine avec beaucoup d’enthousiasme mais sans aucun bénéfice pour l’horticulture, l’élevage de bétail, la chasse ou la construction de huttes ou de maisons.

Cependant, les menhirs témoignent encore aujourd’hui d’un système bien pensé que des esprits plutôt voués à travailler la terre ou les produits de la mer devaient considérer comme une action tout à fait superflue. Les rangées de menhirs sont tout sauf fonctionnelles comme une tombe, une charrue ou une corde à linge.
Les dialecticiens qui se concentrent entièrement sur la fonction pragmatique des menhirs considéreront comme un jeu inutile le fait que les grands menhirs sont soudainement suivis par des menhirs plus petits, puis à nouveau par des menhirs plus majestueux ; comme un passe-temps bête, un énorme gaspillage d’énergie de mettre en place toutes ces dalles de pierre.
C’est à nous de prendre exemple sur les poètes et les penseurs, les poétesses et les savantes qui ont cherché des arguments efficaces pour leur développement intellectuelle.
Mais pour une raison ou une autre, les pierres se suivent et forment des avenues impressionnantes. C’est pourquoi il vaut la peine de réfléchir à ce fait, même si la valeur utilitaire des sculptures en pierre, qui se présentent en rang, n’est pas évidente pour nous.

Mais c’est à nous de prendre exemple sur les poètes et les penseurs, les poétesses et les savantes qui, dans les débuts de la culture européenne et dans leur quête d’orientation intellectuelle, ont cherché à l’aide de la ligne claire des menhirs des arguments efficaces pour leur développement intellectuelle ; il nous appartient, pour ainsi dire, d’utiliser davantage les alignements en matériaux rudes comme coup d’envoi pour entrainer nos capacités de réflexion de manière substantielle et efficace.

L’observateur attentif est soudain ébahi, lorsqu’il se tient au début des rangs de pierres qui se perdent vers l’horizon : les structures indiquent une voie claire et net aux pensées qui suivent les files interminables. Aujourd’hui, à première vue, cette constatation est sans grande importance. Le site historique est bordé de forêts et, malheureusement, de rues. Cela peut provoquer un effet perturbateur sur une réflexion approfondie de ce bien culturel mémorable et produire un impact négatif sur la perception de l’atmosphère qui résonne depuis les temps primitifs à nos jours. Ce lieu historique ne façonne pas de folklore artificiellement préservé. C’est un lieu de caractère sincère.

Contrairement à de nombreuses fêtes villageoises, où une prétendue tradition est chérie et convertie en pièces tintantes, le célèbre endroit sur la carte du monde préhistorique de la côte atlantique n’est pas entouré de barrières solides, qui tiennent à distance les émissions sonores et autres sources de perturbation. Les voitures passent tout près du site.
Une route traverse même les arrangements de pierres et coupe le lieu en deux. Les gens d’aujourd’hui ont moins le sens de l’ordre que ceux d’hier, sans parler du respect qu’il faudrait accorder à un tel cite.

Est-ce que le fait peut nous consoler, que nos ancêtres proches, qui vivaient il-y-a juste quelques générations en arrière, n’ont pas mieux géré les mystérieuses rangées de pierres que nous. Nous, qui tirons des traces pour nos voitures à travers cette structure unique, afin que ces voies rapides permettent aux automobilistes impatients de parcourir ce paysage en temps record. Les hommes et les femmes qui nous ont précédés seulement quelques siècles ont utilisé les alignements à leur manière, en retirant sans hésiter des pierres du monument historique pour en faire des maisons et d’autres bâtiments nécessaires à l’agriculture.

Nous parsemons le monde, que nous avons subjugué, de rue, comme l’ont fait les gens de la préhistoire en encastrant des rangées de pierres dans une nature, qui était à l’époque encore vierge. Nous ouvrons des brèches sauvagement dans tout que nous considérons comme obstacle dans notre perception de ce qui se dit nature.
De nos jours nous ne pouvons pas estimer à quel point les gens de l’époque étaient hanté par les forêts.
Des voix s’élèvent sans cesse pour nous mettre en garde contre une surexploitation inconsidérée de la terre qui nous nourrit. Est-ce que des voix se sont-elles également élevées à l’époque pour mettre en garde contre l’abattage des arbres ? Des voix qui craignaient, que les esprits des bois, effrayés par l’abatage de leur habitat, eût pu mettre en danger l’entreprise du nom „élévation de pierres“ ? Combien de travailleurs ont été tué, blessés, paralysés par la chute d’arbre ou de blocs monumentaux ?

De nos jours nous ne pouvons pas estimer à quel point les gens de l’époque étaient hanté par les forêts et s’ils durent surmonter une peur considérable pour tirer en abondance les longues colonnes de pierre à travers le terrain qu’ils se sont accaparé des bois.
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